Par CAPCAP - 21-04-2021 21:35:55 - 3 commentaires
Il y a 9 mois... une gestation! Mon père entrait en maison de soins palliatifs.
Il y a 3 jours, j'ai retrouvé un sac en papier avec cette étiquette dessus. Le sac qui contenait ses dernières affaires, quand il est sorti dans sa boite en bois.
Je n'ai pas su pleurer à l'époque.
Revoir cette étiquette m'a fortement ému, j'étais au bord des larmes face à ce ridicule bout de papier, presque mesquin.
Dire qu'on l'avait attendu ce moment... Comme une délivrance. Surtout lui l'attendait, ce départ. Les soins palliatifs n'ont pas tout à fait été une réalité pour lui. Il restait une grande souffrance.
À quoi bon maintenir la vie? Pourquoi laisser le corps s'épuiser? Pourquoi condamner le mourant à se voir devenir un sac d'os?
La recherche de l'humilité va mieux aux vivants qu'aux mourants, non?
Papa était un peu sportif, au moins dans l'âme, mais son mal de dos l'a contrarié (opéré 3 fois)
Il aimait surtout la navigation. Est-ce un sport d'endurance? C'est un truc étrange, tout le monde s'agite frénétiquement pendant 3 minutes pour la manœuvre... puis plus rien... jusqu'au prochain virage. Au "paré à virer?" tout le monde dans les starting-blocs. Au "Virez" chacun se précipite à son action.
Moi j'ai toujours été plus rêveur, à préférer les activités douces et qui prennent leur temps. Pourtant, ce n'est qu'à 30 ans que je me mettrai à la CàP.
Mes parents avaient été très impressionnés quand j'ai fait mon 1er marathon, moi le moins sportif de tous les cousins.
Ce n'est que 3 ans après avoir retrouvé un peu de confiance, voire de fierté dans mon corps, que j'ai pu faire ma sortie du placard. Là aussi j'ai beaucoup surpris mes parents. Papa est parti en arrière, ça a été un coup pour lui. Bizarrement, maman s'est tout de suite inquiétée du fait que je puisse terminer ma vie seul. (sans doute n'avait-elle pas tort)
Quand j'ai fait mon 1er plus de 100 bornes (111km des Templiers) ils ont eu peur de cette épreuve de 20h, impensable pour eux. Pour la Réunion, ils commençaient à s'habituer et à me faire confiance. Ils ont compris que j'avais ça dans le sang, sans savoir d'où ça me venait.
Mais moi, quand on faisait de la croisière côtière, ce que j'aimais, c'était la dînette dans le voilier, le kouign-amann et courir sur les jetés et dans les rochers ;-)
J'aimais aussi "faire le point", comme papa.
Je n'aimais pas faire pipi au balcon arrière, accroché comme je pouvais au pataras (ou au balcon avant en cas de vent arrière)
J'ai l'impression d'avoir rongé mon frein pendant des heures, quand il faisait froid, que le vent nous arrosait de paquets de mer, quand la houle faisait rouler ou tanguer violemment cette coque de noix... Peut-être est-ce l'apprentissage d'une certaine endurance, qui me sera très utile plus tard?
Que d'heures passées à le réparer, à le bricoler, à le peindre, ce voilier. Avec maman, mais surtout avec papa. Moins avec mes frères. Assurément, il m'en a appris des choses en bricolage. Je devais avoir à peine plus de 10 ans quand j'ai utilisé pour la première fois la scie sauteuse (peut-être pour découper les équipets)
En mer ou à terre, Papa aimait aussi faire de la photo, et là je l'ai suivi avec plus d'enthousiasme.
Mais c'est avec l'architecture qu'il m'a le plus marqué, vu que j'ai suivi la même formation. D'ailleurs, j'ai comme lui complété mon cursus par l'école de Chaillot sur les monuments historiques. Et j'ai également fait une demi-carrière dans le privé et le reste dans le public, mauvaise idée pour la retraite... Mais il m'avait distillé un intérêt certain pour le Service Public.
Je pense que jusqu'au bout, il croyait en dieu.
Moi, je suis un indécrottable mécréant. Vouloir survivre à la vie me semble très étrange. La roue tourne...
On laisse la place.
...
Par CAPCAP - 11-04-2021 19:57:42 - 5 commentaires
Bien.
Ça va bien.
Pour une fois, je n'écris pas pour exprimer mes doutes, mon mal-être ou un coup de gueule.
Non, c'est pour dire que je vais bien, notamment à ceux qui m'ont encouragé par leurs messages!
J'ai depuis un moment le sentiment de moins attendre de choses de la vie. Juste ce qu'elle m'apporte. Je ne suis pas impatient de savoir ce qui va arriver, ça vient, c'est tout. J’accueille. Enfin de temps en temps, voire souvent...
Ça fait un moment que je me demande si je sens ça vraiment, ou si je me trompe moi-même.
Mais ce bien-être dure, donc je ne dois pas trop être dans l'erreur...
Certes, je vis toujours seul, mais je n'en souffre pas. Je vois des hommes plaisants, inaccessibles, mais je n'en éprouve pas d'amertume.
Si je vis quelque chose de plaisant, je ne pense plus que ça ne va pas durer. Je le sais, mais je ne m'en préoccupe plus, j'en profite, c'est tout.
Le déplaisant, j'ai eu ma dose en 2020. J'ai été déclaré mort, puis il y a eu le Covid, puis mon père a été gravement malade, puis il est mort.
J'ai fini l'année épuisé, mais pas déprimé (clairement moins que des années auparavant)
Certes, il y a cette fatigue chronique qui fait que je suis crevé dès le 1er jour de la semaine, et que je suis quasi incapable de travailler 5 jours de suite. Ça fait déjà plusieurs années... Bon, j'ai déjà 52 ans, mais je n'ai aussi "que" 52 ans, avec encore une quinzaine à cotiser pour la retraite (si, alors, ça existe encore) La médecine ne voit toujours rien d'anormal.
Côté "environnemental", je suis de moins en moins paniqué par l'avenir. Ça sera boulversifiant, ça sera très dur, mais on fera avec, il n'y a pas de choix. Apprendre à ne pas savoir de quoi sera fait demain... (je sais, c'est facile à dire quand on est propriétaire de son logement, fonctionnaire et responsable de personne)
J'ai beau être architecte, l'idée de vivre dans un plus bel espace que mon 2 pièces ne m'attire pas vraiment. Mais visiter de beaux bâtiments publics me plaît vraiment et ça me suffit.
Côté CàP, après 5 années chaotiques, ça va bien. Pas très rapide, certes, mais je cours à nouveau avec grand plaisir. Les courses chronométrées ne me manquent pas vraiment, mais j'aurais plaisir à en refaire avec des amis, surtout pour les week-ends qui vont avec. J'aime de plus en plus courir sur plusieurs jours à la montagne ou sur la côte bretonne. Être juste avec le paysage et le présent. Courir, c'est fêter ce corps que je suis.
Côté boulot, j'ai parfois des idées qui me plaisent bien. Mais ça n'est pas toujours validé, bien sûr. Alors il est possible de distinguer le plaisir d'avoir une idée, et la prétention à l'imposer aux autres. Ainsi, j'ai plus ou moins appris à ne retenir que la première, que le plaisir. Et la déception reste très faible.
Je suis toujours sous antidépresseurs, depuis une douzaine d'années. J'ai commencé à réduire les doses en vue d'arrêter peut-être.
Apprendre à recourir à de petits recentrements, de micro-apaisement : se rendre compte quand on part en stress, et appliquer un petit lâcher-prise. Ça s'apprend, ça devient un peu plus facile avec le temps.
Finalement ai-je compris ce qui m'a changé?
Intimement je crois que ce sont en partie les propos de cet enseignant de la voie directe :
Eric Baret ; la voie directe https://www.youtube.com/watch?v=FaosSjsSbHE
Il est moins doux que d'autres transmetteurs, il n'hésite pas à tenir des propos qui bousculent, au risque de ne pas passer pour bienveillant. Moi, je le crois bienveillant à sa façon. À vous, éventuellement, de vous faire votre avis.
Je n'ai rien à vendre, juste envie de témoigner. Par gratitude sans doute...