Par CAPCAP - 15-04-2018 15:14:12 - 6 commentaires
Ce matin au journal de France Culture, j'apprends l'auto-immolation par le feu de David Buckel dans un parc de New-York.
D'ordinaire je suis assez peu attentif à ce type d’évènement faisant partie de "l'ordre du monde" où vivent 7,5 milliards d'humains. Tout homicide est dramatique, mais cela ne fait-il pas partie de la marge de la nature humaine?
Mais je me sentirai vite doublement concerné par l'information.
D'une part en raison du travail accompli par lui (et que je ne connaissais pas) pour la cause LGBT.
"David Buckel, 60 ans, était un célèbre champion des droits des homosexuels aux Etats-Unis, où il était intervenu dans plusieurs retentissants procès pour discrimination. Au sein de l'organisation de défense des droits civiques de la communauté LGBT Lambda Legal, il avait été à l'avant-garde du mouvement pour légaliser le mariage gay, maintenant reconnu juridiquement dans tous les Etats du pays." 20minutes.fr
D'autre part en apprenant la raison invoqué dans les courriers qu'il laissera:
"La pollution ravage notre planète et répand l'instabilité à travers l'air, le sol, l'eau et la météo"
"La plupart des humains sur la planète respirent maintenant un air rendu insalubre par les carburants fossiles et beaucoup, en conséquence, mourront prématurément - ma mort prématurée au moyen d'un carburant fossile reflète ce que nous sommes en train de nous faire à nous-mêmes"
Moi qui n'ai jamais eu vraiment le courage de militer pour ma "communauté" LGBT, ayant déjà eu beaucoup de mal à m'accepter comme homo, j'admire quelqu'un qui y aura consacré une partie importante de sa vie.
Moi qui n'ai jamais eu vraiment le courage de militer pour la cause environnementale, si ce n'est en en parlant un peu autour de moi. J'ai failli m'inscrire à ELV, mais la politique m'intéresse plus au sens de son étymologie, qu'au sens des partis politiques et de la gestion des élections. Chercher à gagner le pouvoir est malheureusement contradictoire avec ma vision de l'environnement où il est temps de collaborer.
Certes les questions environnementales semblent dans l'impasse, tant il y a à faire, et malgré de très nombreux efforts menés ça et là. Mais de là à s'immoler…
Je ne sais pas si on pourra discerner la part politique de la part personnelle dans ce geste ultime, mais je peux au moins m'interroger sur la première.
Une confidence: il n'y a pas si longtemps, j'allais et rentrais du stade en courant, dans la circulation parisienne, du temps où mon moral allait particulièrement mal. Ça se répercutait sur cette pollution aux gaz d'échappement et moi, d'ordinaire incapable d'élever la voix, je hurlais fréquemment des insultes sur les automobilistes. Et je me disais que si je devais être atteint d'un cancer lié à la pollution, j'irai m'immoler par le feu au cœur du mondial de l'automobile. Voila pourquoi ce geste à une très forte résonance en moi. Bon, ce n'était pas vraiment le "moi" profond, mais le "moi" pris par l'humeur dépressive.
Une anecdote, cette semaine, mon club de CàP LGBT a choisi son marathon d'automne: Athènes. Ma première réaction? Ils ont choisi celui pour lequel le transport aura le plus fort impact environnemental des 4 courses proposées.
Après on va se donner le mal d'avoir des gobelets en cartons plutôt qu'en plastique pour notre course de la Saint-Valentin, ce qui aura un impact ridicule.
Je reconnais aussi m'être posé la question de l'intégrisme environnemental. Devenir activiste, mais ne pas se contenter de violer la propriété privée comme Greenpeace pour montrer qu'on peu facilement pénétrer dans un point sensible d'une centrale nucléaire. Non, aller jusqu'à détruire. Car notre inaction environnementale tue, discrètement mais elle tue aujourd'hui et encore plus demain, il faut marquer les esprits, face à notre tranquille consumérisme.
Un attentat environnemental n'aurait pas d'effet positif. Les médias et les élus sont trop bien dirigés pour ne pas évaluer les deux faces d'un tel acte. Seul l'aspect négatif serait mis en lumière.
Aujourd'hui je suis partisan d'un certain humanisme. L'homme est comme ça, il se détruit et la Terre s'en remettra, de même que la vie reviendra après la potentielle prochaine guerre nucléaire. Comme toute chose dans cet univers a un début et une fin, il est possible que l'humanité approche de la sienne.
La nature ne nous a pas conçu avec suffisamment d'empathie, nous nous détruisons comme la cellule se détruit par apoptose quand son heure est venue.
Je regrette profondément cet auto-immolation de David Buckel. D'une part humainement. Mais aussi car je pense son acte vain. J'espère que l'avenir me démentira.
(Je suis conscient d'écrire ce billet d'un trait, et que je vais certainement évoluer dans mes pensées, et c'est sans doute une bonne chose, il faut toujours savoir évoluer.)